Les épices ravissent nos papilles et permettent de découvrir de nouveaux goûts et de voyager à peu de frais! Et si, en prime, elles avaient des vertus pour notre santé ?
Une pincée d’histoire
Il y a 5000 ans en Chine, un traité faisait l’éloge du gingembre, de l’anis, de la casse et du curcuma pour leurs atouts santé variés. Les Grecs et les Romains étaient tout aussi friands d’épices, et ce, au grand profit des marchands arabes. Au Moyen Âge, alors que Venise s’enrichit grâce au commerce des épices, celles-ci aromatisent la cuisine des nobles, tout en permettant parfois de camoufler la saveur des viandes faisandées. Au-delà de leur valeur aromatique, on vantait depuis fort longtemps les vertus médicinales des épices : les apothicaires pouvaient suggérer du safran pour reposer le foie, de la cardamome pour l’haleine, de l’anis pour revigorer le corps, du fenugrec contre la calvitie et de la muscade… contre une centaine d’autres maux. Nombreuses sont les vertus que les hommes de partout sur la planète ont accordées aux épices au fil du temps.
Bien que les épices soient de nos jours le sujet de plusieurs recherches scientifiques, il n’est toutefois pas simple de tirer des conclusions. D’une part, on peut difficilement transposer à l’homme des résultats obtenus en éprouvettes ou sur des animaux, et d’autre part, plusieurs recherches sont effectuées avec des concentrés d’épices et non pas avec des portions alimentaires usuelles. Qu’à cela ne tienne, ces études aident à comprendre les modes d’action des molécules actives des épices et proposent d’intéressantes pistes de recherches.
Safran – Traditionnellement utilisé pour favoriser le sommeil, seuls quelques richissimes Sultans pouvaient toutefois l’employer pour s’en faire des oreillers! D’autres anciennes croyances associent le safran à la gaieté. Bien des siècles plus tard, des chercheurs tentent de voir s’il existe un lien entre le safran et l’amélioration des états dépressifs légers en comparant un concentré de safran à un placebo. Les résultats de l’une des recherches, menée en 2006 auprès de 40 sujets, justifie selon les chercheurs la tenue d’une étude à plus grande échelle. Chose certaine, un plat rehaussé d’un safran de qualité fera certainement retrouver le sourire à plus d’un gourmand!
Curcuma – Le curcuma occupe une place importante dans les traditions culinaires et médicinales indiennes. Si on a autant entendu parler de curcuma récemment, c’est principalement pour les vertus de la curcumine, molécule responsable de son jaune éclatant. Après avoir observé que les Indiens, consommateurs de cari et masala, semblaient moins touchés par le cancer que les Nord-Américains, des scientifiques ont étudié l’activité antioxydante de la curcumine, qui pourrait entre autres réduire la croissance des tumeurs. Bien qu’il soit difficile de cerner la portée réelle de ses propriétés sur l’homme à ce jour, n’attendons pas de certitudes scientifiques pour colorer et parfumer nos plats de curcuma! À cet effet, le docteur Béliveau suggère dans son livre Les aliments contre le cancer d’intégrer quotidiennement 5 ml (1 c. à thé) de curcuma aux menus.
Poivre – Le poivre était si précieux au Moyen Âge, en raison de son goût et ses vertus, qu’on l’utilisait pour payer ses impôts ou ses dettes. Récemment, une méta-analyse expose certains bénéfices associés à la pipérine (un principe actif important du poivre), tels que des bienfaits observés sur la santé digestive chez l’animal et un certain potentiel antioxydant. D’autre part, le roi des épices améliore considérablement l’absorption de la curcumine. C’est un bel exemple de synergie alimentaire, illustrant qu’il importe de considérer l’alimentation dans son ensemble et non pas comme un supplément d’éléments nutritifs isolés! Attention toutefois au type de poivre choisi : « Certains poivres moulus du commerce ne renferment que 20 % de vrai poivre » prévient Ethné de Vienne, co-propriétaire de la boutique Olives et épices au Marché Jean-Talon de Montréal. Pour plus de pipérine et de goût, un poivre en grains de qualité s’impose!
Piment – L’Amérique centrale est le berceau des piments qui y sont domestiqués depuis plus de 7000 ans. Ils étaient indispensables à la cuisine des peuples précolombiens, qui les utilisaient aussi comme antibactérien, monnaie d’échange et moyen de torture! La capsaïcine est le composé le mieux connu du piment, auquel on doit entre autres son piquant. En plus d’avoir une activité antioxydante, la capsaïcine augmenterait légèrement la dépense énergétique et la sensation de satiété, ce qui tendrait à diminuer l’apport alimentaire. Une récente étude danoise a observé qu’en association avec le thé vert, l’effet sur la satiété serait même un peu plus marqué. Bien que de plus amples études soient nécessaires, rien n’empêche de jumeler plats pimentés et saines habitudes alimentaires… à condition d’avoir les papilles endurcies : certaines études ont été réalisées avec de très grandes quantités de piments! Préparez le verre de lait et attention aux estomacs fragiles!
Gingembre – Utilisé depuis plus de 5000 ans dans les cultures asiatiques, le gingembre était, au Moyen Âge, recommandé pour plusieurs usages, de l’apaisement des symptômes de la grippe à son prétendu pouvoir aphrodisiaque. « Aujourd’hui, des recherches associent au gingembre un certain effet antiémétique (contre les nausées et vomissements), comme par exemple pour apaiser le mal des transports» explique la pharmacienne Éliane Gamache Latourelle. «Par prudence, il est recommandé aux femmes enceintes ou qui allaitent de s’en tenir aux apports alimentaires » précise-t-elle, puisque l’innocuité des suppléments de gingembre n’est pas démontrée hors de tout doute. D’autres essais tendent à établir un lien entre un composé du gingembre, le gingérol, et un certain soulagement des symptômes arthritiques dû à un potentiel effet anti-inflammatoire.
Cannelle – La cannelle a longtemps été utilisée pour prolonger la conservation des aliments. Aujourd’hui, les scientifiques sont en mesure de croire que cela pourrait être en lien avec la cinnamaldéhyde, un composé qui aurait des propriétés antimicrobiennes. La cannelle renferme aussi des proanthocyanidines, molécules au potentiel antioxydant. Plus récemment, il a été observé que la cannelle aiderait à abaisser le glucose sanguin, propriété qui pourrait s’avérer intéressante pour le contrôle du diabète de type 2. Les résultats de certaines études laissent croire que la cannelle entraînerait une légère baisse de la glycémie . C’est une piste de recherche intéressante, mais les résultats sont encore trop contradictoires pour tirer des conclusions quant à son efficacité et à la quantité optimale à ingérer pour obtenir des effets.
La touche finale
Les anciennes routes des épices sont souvent qualifiées de « mystérieuses ». On pourrait en dire autant des vertus de certaines épices. Mais au fil des recherches, elles le sont de moins en moins et une chose est sûre, comme le fait remarquer Ethné de Vienne, « les gens ne doivent pas venir à la boutique pour soigner leurs bobos, mais pour découvrir les saveurs et arômes des épices. Et quand on varie les aliments et que manger est un plaisir, on a tendance, en prime, à rester en santé! »
Bon à savoir…
L’ancienne tradition médicinale indienne Ayurvédique associe aux épices des vertus autant gustatives que curatives. Elle recommande entre autres de choisir les aromates en fonction de types d’énergies (doshas). Par exemple, la cannelle serait davantage recommandée aux individus à prédominance Vata (caractères changeants et indépendants) et Kapha (personnes vigoureuses et stables) qu’aux Pitta (leaders à l’esprit fougueux).
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